Page 24 - Brochure Raoul Versini
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           Sous enveloppe datée à la main : Le 26 et le 28 (octo)bre  1888
           Sous enveloppe datée à la main : Le 26 et le 28 (octo)br e  1888
           Sous enveloppe datée à la main : Le 26 et le 28 (octo)bre  1888


                 Oh mon bon Raoul tu es trop gentil et je ne mérite ni ta tristesse
           si affectueuse ni tes scrupules exagérés. Non que je me croie descendu très
           bas. Ce que j’ai fait (je pense bien te parler avec franchise, aussi bien, je
           n’en ai jamais manqué avec toi, n’est-ce pas ?) n’est pas l’extrême point
           d’un long abaissement moral. J’ai la conscience d’être le même qu’avant.
           D’ailleurs si dans un moment de surprise et de folie, supplié par ce garçon,
           je me suis rendu ; quand j’ai cru qu’il était temps encore j’ai eu des

           remords, je les lui ai dit, je l’ai prié. Mais il est plus fort que moi et je n’ai
           pas pu l’arrêter. Tu vois que je ne suis coupable qu’à demi. D’ailleurs je
           t’en supplie, ne suspecte jamais ma sincérité. Je ne suis pas du tout un être
           idéal comme tu as l’air de le croire. Je suis pétri d’autant, hélas ! et même
           peut-être de plus de nerfs et de sens que d’autres. J’ai pu consentir (je ne
           l’ai pas faite de mon plein gré, mais j’ai consenti avant, ce qui était tout
           : je suis franc, tu vois) à une très grande saleté. J’ose dire pourtant que
           je ne suis pas du tout vicieux.  Surtout que je suis franc tu le vois bien
           d’ailleurs. J’avais été coupable : une heure après Abel le savait, le soir
           même, mon père. Il est triste d’en être réduit ainsi à faire son apologie.
           Mais je voudrais pourtant te montrer que je ne suis pas tout à fait indigne

           de ta pure et sincère affection, que je te rends bien. Je ne pense pas que tu
           aies peur de me chagriner, je veux que tes paroles soient l’expression de
           ton sentiment. Mais que ce sentiment me soit clément. Mon bon Raoul
           merci de ta tendresse et de ta franchise ; tout le temps, je te jure, loin d’en
           être fâché, je t’en ai été infiniment reconnaissant. Ne sois pas plus sévère
           que mon père qui ne m’a pas fait de reproches et qui, connaissant mon
           tempérament, sans connaître même ces atténuations que je t’ai dites, n’a
           considéré ma faute que comme une « surprise » (sens 17ème siècle) que
           m’auraient fait mes sens. Un seul mot dans ta lettre m’a choqué.  C’est
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