Page 13 - Brochure Raoul Versini
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           de « Confession d’une jeune fille » insiste sur l’absence de résistance de
           l’héroïne aux jeunes gens qui l’induisent à mal faire par surprise et sur la réaction
           compréhensive de ses parents.
                 Le thème du canapé se retrouvera dans À la Recherche du temps perdu.  Comme le
           Sofa de Crébillon fils, les canapés proustiens pourraient raconter bien des histoires  :
           tel celui  sur lequel  Mlle Vinteuil, à Montjouvain,  attend son amie : « Mlle Vinteuil
           finit par tomber sur le canapé, recouverte par le corps de son amie » ; celui de la
           Tante Léonie, donné à une maison de passe : «  Je me rappelai seulement beaucoup
           plus tard que c’était sur ce même canapé que bien des années auparavant j’avais
           connu pour la première fois les plaisirs de l’amour avec une de mes petites cousines
           avec qui je ne savais où me mettre, et qui m’avait donné le conseil dangereux de
           profiter d’une heure où ma tante Léonie était levée. » Celui enfin sur lequel s’abat,
           pour en tomber finalement, Bergotte mourant.

                 Le jeune Marcel veut séduire sans choquer. Il s’adresse à des camarades qui
           ne sont pas homosexuels. Faute d’aller jusqu’à l’acte, on peut s’accorder des caresses.
           Faute de caresses, de la tendresse. Et faute de tout cela, on peut exercer une emprise
           sur un camarade. Versini s’est vu demander dans quelle case de ce jeu il se place.  Le
           poème verlainien, gentiment érotique, et la liste d’écrivains préférés font partie de
           ces manœuvres. Qui n’a adressé un poème à l’être aimé ? Qui n’a partagé ses goûts
           littéraires avec un(e) ami(e) de cœur ? Proust craint alors par dessus tout de faire
           partie de ces « amis sans amitiés, malgré toutes celles que leur charme fréquemment
           reconnu inspire et que leur cœur souvent bon ressentirait ; mais peut-on appeler
           amitiés ces relations qui ne végètent qu’à la faveur d’un mensonge et d’où le premier
           élan de confiance et de sincérité qu’ils seraient tentés d’avoir les ferait rejeter avec
           dégoût ?  » .
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                 Le poème

                 Ce poème, écrit dans un style proche de Verlaine, dont on a vu qu’il était à
           l’époque un des poètes préférés de Proust, sera de nouveau offert par son auteur à
           un autre destinataire, au cours de son service militaire à Orléans (commencé le
           15 novembre 1889), au printemps 1890. Il reçoit alors un titre : « Chanson
           de printemps  ».
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           5  À la Recherche du temps perdu, Bibl. de la Pléiade, t. III, p. 17.
           6  Il a été publié et commenté par Jérôme Bastianelli dans le Bulletin Marcel Proust n° 70,
           Hors-Série, « Proust pour la première fois », p. 17-23.
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