Page 4 - brochure-Helleu
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Paul Helleu, portraitiste à la pointe-sèche.



        La pointe-sèche est une technique de gravure en creux : la plaque de cuivre (ou
        de zinc) est incisée par une pointe d’acier et les barbes de métal qui restent le
        long du trait donnent un effet différent de  celui du burin dont le principe  est
        identique. Ce procédé de gravure est celui qui, pour l’artiste, est le plus proche
        du geste du dessinateur devant  la  feuille  de papier.  L’impression  peut  se faire
        comme  ici  en couleurs, donnant  au tirage le charme  des  dessins  en trois
        couleurs de Watteau  qu’Helleu  aimait  tant  qu’il  racheta  ceux  des  Goncourt.
        Helleu  se  fit  une  spécialité  du  portrait  gravé  à  la  pointe-sèche,  technique  qui
        n’autorise  aucune  reprise,  aucune  modification,  car  l’incision  est  définitive.  La
        pointe qu’Helleu utilise est en diamant : elle lui a été offerte en 1887 par James
        Tissot quand celui-ci renonce à cette technique. Sa virtuosité se lit dans la rapidité
        du trait, dans la délicatesse des modelés et la maîtrise des morsures de la pointe
        pour le rendu des cheveux et des fourrures. Toutes ces qualités se trouvent dans
        ce  portrait de  Mme  Helleu  écrivant,  superbe exemple d’un travail que Marcel
        Proust admira. Helleu usa de la plaque de cuivre comme d’autres d’un carnet à
        dessin. Nous voyons vivre sa famille au fil des ans, et toute la société dans le milieu
        artistique et aristocratique où Robert de Montesquiou l’avait introduit dès 1891.
        Si  ses  estampes  ne  comportent  en  général  pas  de  titre,  Helleu  note  souvent  le
        nombre  de  tirages et ils sont le plus souvent remarquablement  courts,  comme
        l’indiquent les notes manuscrites : « épreuves à 2 », « épreuves à 10 », « planche
        détruite ». Le portrait acquis par la Société des Amis de Marcel Proust de Mme
        Helleu écrivant est le « tirage de tête », c’est-à-dire le numéro 1 d’une courte série
        de 50 exemplaires. Cette rareté en faisait le caractère précieux et la production
        de portraits tirés à trois et jusqu’à cinq couleurs fit la fortune d’Helleu d’autant
        qu’il en fit un grand nombre, environ 2000 d’après ses propres dires en 1913. Les
        portraits d’hommes sont rares ; ils témoignent de l’amitié qu’Helleu portait à ses
        modèles : Edmond de Goncourt, Whistler. Très soignés, ils font partie du meilleur
        de sa production ; Robert de Montesquiou se montra notamment très satisfait de
        son portrait.
        Helleu regretta en 1920 de n’avoir pu faire le portrait gravé de Marcel Proust car
        celui-ci « ne le visitait plus ». Il ne le réalisa qu’au lit de mort de Proust et, selon
        le témoignage de sa fille, il ne le fit qu’avec difficulté tant il était impressionné par
        cette tête exsangue qui, cernée par le drap blanc, lui rappelait celle de Saint Jean-
        Baptiste.
                                                                           A.I.
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