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Mme Helleu écrivant



        Avant  les  années  de  succès  où  tout  Paris  devint  son  modèle  Paul  Helleu  fut  le
        portraitiste inlassable de sa femme Alice, et le resta puisqu’il fixera encore ses
        traits la dernière année de sa vie en 1927. Il la rencontra alors qu’elle n’était encore
        qu’adolescente, elle fut son ravissant modèle. Comme l’écrit Edmond de Goncourt
        dès 1895 : « Votre œuvre d’après le cher modèle prête la vie élégante de son corps
        à toutes vos compositions, une sorte de monographie de la femme .»
        Helleu la représente dans le décor de son salon-atelier. Vêtue de blanc, « le cher
        modèle aux cheveux couleur de souci » comme la nommait  Robert de Montesquiou
        en 1913 dans son ouvrage consacré à Helleu, se tourne vers le spectateur dans une
        torsion du buste que l’artiste affectionne et qui met en valeur la ligne de son corps.
        La souple sveltesse fit d’elle l’archétype de la Parisienne des années 1890-1900.
        Les titres, Mme Helleu devant sa table à écrire, Les Saxes, Les Tanagras, donnés au
        fil des ventes par les catalogues suggèrent des lectures approximatives de cette
        estampe.  Mme Helleu assise, s’appuie pour écrire sur la commode dite « du prince
        Eugène  »,  une  commode  Empire  à  vantaux  en  acajou  et  à  décor  de  cygnes  en
        bronze doré ; Helleu a représenté ce meuble rare dans plusieurs autres portraits.
        « Je ne m’étais pas douté, nota Proust, que les choses élégantes mais simples qui
        emplissaient son atelier étaient des merveilles longtemps désirées par lui, qu’il
        avait suivies de vente en vente, connaissant toute leur histoire, jusqu’au jour où il
        avait gagné assez d’argent pour les posséder ». Au nombre de tels objets sont les
        cadres anciens qu’Helleu considérait en eux-mêmes comme des œuvres d’art et
        présentait vides sur le fond de mur blanc : nous en avons ici un exemple à droite
        de l’estampe. En groupe ou isolés, des petits sujets de porcelaine blanche peuplent
        l’appui de la commode. Ils furent parfois décrits comme des tanagras, probablement
        par amalgame avec la gravure Mme Helleu devant les tanagras du Louvre de 1897.
        Le  charme  de  leur  blancheur  crémeuse  séduisait  l’œil  des  visiteurs,    qui  ont
        parlé de « saxe ». Le terme désigne en général des porcelaines de Meissen. Mais
        ces précieux bibelots du XVIIIe siècle provenaient peut-être de Nymphembourg,
        selon Montesquiou, ou de Pont-aux-choux. L’inventaire après décès pas plus que la
        photographie, ne permet pas d’en décider. La statuette d’un nu féminin à l’antique
        qui figure au centre d’un cadre ovale, s’aperçoit aussi en fond d’autres portraits.
        Helleu use de la pointe de diamant comme il le ferait d’un crayon ou d’un pastel, sans
        se soucier de l’effet d’inversion de l’image qui se produira au tirage de l’estampe par
        impression de la plaque. Mme Helleu y semble gauchère comme, dans une autre
        pointe-sèche, Boudin peignant à Trouville. Mais il suffit de redresser l’image avec
        un miroir pour corriger l’erreur et  …. surprendre ce qu’écrit la parfaite épouse :
        « Mon cher Paul ».
                                                                           A.I.
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